MES CREATIONS NUMERIQUES




Depuis des années j’utilise l’ordinateur pour créer des compositions spatiales animées. Ce qui permet à des œuvres plastiques à trois dimensions de se mouvoir dans un espace virtuel. Une composition musicale, également réalisée en ordinateur, apporte à ce monde en mouvement l’environnement sonore complémentaire.

J'ai réalisé trois types de créations. Les premières (ordigraphies) sont semblables à des des sérigraphies réalisées par ordinateur. Les deuxièmes (spaciographies) sont compatibles avec une lecture au moyen d’un navigateur internet. Elles sont gravées sur CD-rom et exigent l’utilisation d’un PC (équipé au minimum d’un Pentium IV 2 Ghz). Les troisièmes (les mondes rêvés), les plus récentes, mettent en oeuvre des programmes d’animation permettant de travailler dans la troisième dimension. Elles sont gravées sur DVD et sont lisibles sur la plupart des lecteurs standards de DVD (sauf, éventuellement, ceux qui sont protégés contre les copies).

Les spaciographies sont constituées d’une suite de «tableaux » virtuels animés et sonorisés, visibles indépendamment les uns des autres ou à la suite les uns des autres dans une composition d’ensemble.

Les réalisations sur DVD se déroulent dans un espace virtuel en trois dimensions. Elles « racontent » une histoire, un voyage dans un monde imaginaire.


Ce qui m’a toujours intéressé dans le domaine de la création plastique et musicale par ordinateur, plus que la possibilité d’interactivité et autres aspects sociologiques, ce sont les moyens énormes mis à la disposition des créateurs pour poursuivre le développement des arts visuels nés au début de la civilisation. Il me semble que, dans ce domaine, beaucoup reste à faire alors que dans le domaine musical les possibilités offertes par l’informatique ont été explorées depuis bien longtemps.

Jean Branchet (novembre 2006)



LART NUMERIQUE



Au début des années 80 on a vu apparaître les premiers ordinateurs destinés au grand public, et donc, dans certains lieux de création tels que les studios de production d’images et de prise de son. Ces nouveaux outils ont changé la manière de créer, de s’exprimer, de « montrer ».

Les premières expérience artistiques dans les années 60-70 ont été conduites autour de la question : l’ordinateur peut-il produire de l’art et dans quelles conditions ? La pratique artistique, dématérialisée, s’inscrivait dans un contexte différent du milieu d’origine (musées, galeries). Elle faisait écho aux mouvements de l’art conceptuel, de l’Op-Art, ainsi que des happening. Les lieux de créations émergeaient dans les Universités ou de laboratoires de recherche.

Au cours des années 89-90 les pratiques artistiques se sont multipliées et formalisées. L’électronique et l’ordinateur étaient de plus en plus présents. C’est la période où l’art interactif et les installations de réalité virtuelle se sont développées. A cette phase de stabilisation et de maturation correspond la création des grandes institutions spécialisées en art électronique : Ars Electronica (festival et centre, Lindz), Z.K.M. (Zentrum für Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe), ICC (InterCommunication Center, Tokio), V2 (Amsterdam), ISEA (International Symposium on Electronic Arts), CICV en France.

Depuis la fin des années 90 on assiste à la dissémination de l’art numérique avec l’arrivée de la troisième génération d’artistes nés avec l’ordinateur et la pratique plus large des pratiques informatiques dans la société. On assiste à la prise en compte de l’art électronique par les institutions classiques du milieu de l’art contemporain et les expositions se multiplient. Des centres d’art virtuels apparaissent de plus en plus, situés nulle part mais sont accessibles par quiconque vivant sur la planète grâce au réseau internet. L’espace public, urbain comme rural, peut également devenir un lieu d’échange artistique, un « terrain de jeu » grâce à l’électronique (panneaux publicitaires..).

Ces technologies offrent aux artistes des nouveaux moyens de créer, moyens de plus en plus puissants et divers, permettant d’incorporer dans une même réalisation : créations plastiques, animations, sons importés à partir de banques de sons, musiques spécifiquement créées, séquences de vidéo, photographies plus ou moins manipulées, et, enfin, voix humaine. Tout ceci est regroupé sous la domination : création numérique multimédia.

L’art numérique est un art de la technique, de la technologie, de la communication.

C’est un art sans matière, mémorisé sur des supports matériels, qui doit, pour être visible, avoir recours à des matériels informatiques, écrans, environnements…

Potentiellement multiple, virtuelle, l’œuvre numérique peut avoir une diffusion immédiate, planétaire, sans altérations. Elle passe au-dessus des clivages nationaux, économiques. Elle n’est plus l’apanage de grands sociétés nationales ou internationales. Elle se joue des frontières et des valeurs marchandes.

Sa mise en œuvre demande une intégration de pratiques et de démarches différentes et quelquefois contradictoires. L’artiste n’est plus seul possesseur de sa technique, il doit souvent collaborer avec un ingénieur, un musicien, un vidéaste, un littéraire… L’œuvre est commune

La création numérique est devenu un domaine d’expression artistique à part entière qui commence à avoir des centres d’art ou des espaces culturels qui lui sont spécifiquement destinés. Dans un proche avenir les musées auront des salles spécifiquement équipées pour présenter des œuvres numériques. Des Festivals dévolus à ce moyen d’expression commencent à voir le jour. Par exemple, en septembre dernier, le Festival de la Cité Numérique au Parc des Sciences de La Villette à Paris.

Le grand défi de la culture numérique actuelle se situe dans l’invention de nouveaux langages, de nouvelles esthétiques multimédias sous le signe du temporel, de l’éphémérité, de l’événementiel, de l’interactivité. On voit le plus souvent des peintres et des photographes reproduisant leurs œuvres sur l’écran cathodique, comme on vit autrefois des photographes faire des peintures des cinéastes du théâtre, des producteurs de télévision filmer des studios de radio, etc. On commence toujours par mettre les contenus des vieux médias dans les nouveaux.

Mais comment être très compétent dans le domaine musical, la peinture, la sculpture, la danse, le cinéma, la poésie ? Comment maîtriser toutes les technologies numériques et leur évolution constante ? Les œuvres seront de plus en plus réalisées par une équipe de plasticiens, de sculpteurs, de compositeurs, de musiciens, de vidéastres, de danseurs…

L’ampleur des apprentissages nécessaires et leur perpétuel mise à niveau exigent un investissements personnels permanents. Par ailleurs, les investissements tant en programmes qu’en matériels sont en général coûteux et rapidement obsolètes.

Il ne faut pas oublier que ce n’est pas la technologie qui fait l’artiste – ni le crayon, ni la peinture, ni le marbre ou le bronze, ni l’ordinateur – mais sa vision, son image du monde, sa sensibilité. Les technologies offrent des moyens d’investigation de plus en plus puissants mais elles n’ont jamais produites de l’art. Les hommes préhistoriques réalisant leurs fresques dans les cavernes étaient autant artistes, sinon plus, que beaucoup de créateurs actuels.

S’il y a rationalité dans l’œuvre d’art il faut seulement la rechercher dans cette pensée consciente. Cari le but final a atteindre n’est pas celui d’une simple représentation mais bien l’invention d’un système de signes qui parlent à celui qui les découvre, qui captivent son regard, qui émeuvent sa sensibilité.


L’œuvre d’art totale existera-t-elle un jour ? Celle qui sera multiple, multimédia, interactive, créatrice, évolutive, capable de nous étonner en permanence ? Celle qui, à partir d’un centre moteur unique, permettra d’atteindre une représentation simultanée et coordonnée d’éléments hétérogènes tels qu’images, sons, textes, mouvements, actions, espaces ?

Par nature immatériel l’art numérique veut représenter la matière, son apparence , son illusion. C’est en fait une matière autre, numérique, virtuelle, différente de la matière réelle. De même en ce qui concerne les sons, la musique numérique, le résultat obtenu en composant et en assemblant des échantillons avec un modèle informatique est autre que celle qui serait obtenue avec de vrais instruments.

En ajoutant de l’aléatoire, le créateur, concepteur de modèle, ne maîtrise pas la totalité des paramètres qui conduiront l’œuvre elle-même. L’œuvre est générative, inépuisable, imprévisible, évolutive, inattendue. La reproduction exacte n’existe pas, mais le semblable. Les œuvres évoluent et se modifient d’elles-mêmes sans autre intervention de leur créateur que la conception du modèle qui les sous-tendent. L’œuvre se produit en direct mais le temps réel est celui du spectacle offert au spectateur.

L’œuvre numérique est avant tout un ensemble de variables mathématiques et de modèles. Dans la mesure où deux ou plusieurs modèles acceptent le même système de variables ils peuvent réagir afin de créer une œuvre nouvelle. Le comportement de nombres d’œuvres numériques est influencé par des capteurs de lumière, de bruits, de présence de spectateur, etc.

En introduisant de l’interactivité, l’œuvre numérique demande au spectateur de faire partie intégrante d’elle-même. Par son action sur les éléments laissés à sa disposition le spectateur influe sur le déroulement de l’œuvre qui peut, ainsi, n’être jamais identique. Mais le spectateur n’est jamais auteur car il n’y a pas conception collective de l’œuvre, le modèle existant préalablement. L’art numérique peut, dans certains cas, être de l’ordre du jeu, de l’expérimentation. Il se situe dans l’ordre d’un processus à vivre.

L’art numérique a réintroduit une technicité visible, loin de certaines formes d’art contemporain comme le pop-art et le nouveau réalisme.

C’est l’art de la technique et de l’esthétique. En principe reproductible à volonté, pratiquement sans coût, l’art numérique est peut-être « sans valeur », d’un point de vue économique bien sûr. Elle confère difficilement à son possesseur le statut social, financier, aristocratique, identique à ceux attachés à la possession d’ œuvres d’art traditionnelles.


Plutôt que parler d’art multimédia, il vaut parler d’arts numériques qui doivent découvrir leur propre esthétiques. Ce ne seront pas une synthèse des autres arts. Ils constitueront un huitième art.


En ce qui me concerne, j’ai réalisé et je continue à réaliser des œuvres plastiques, peintures, reliefs, sculptures qui, depuis plusieurs dizaines d’années, appartiennent à ce que l’on désigne par art géométrique ou art construit.

J’ai vécu dans le monde informatique depuis le début des années 60 mais ce n’est que depuis les six ou sept dernières années que j’ai trouvé un véritable intérêt à explorer les possibilités de création offert par ce moyen. D’une part les ordinateurs destinés au grand public devenaient de plus en plus puissants et continuent à évoluer dans ce sens. Leur coût est de plus en plus abordable. Par rapport à ce que l’on trouvait sur le marché, voici quelques années et aujourd’hui, les programmes destinés à la création sous toute ses formes ont fait des progrès gigantesques et là, également, avec des coûts raisonnables.

La maîtrise de tous ces programmes demande beaucoup de temps d’apprentissage, une bonne acquisition d’expérience, donc exige persévérance, volonté d’aboutir, avec la nécessité de se recycler en permanence, l’évolution des programmes comme celles des technologies , suivent un rythme accéléré.

Mes créations numériques poursuivent mes créations purement plastiques. Mais elles ont pénétrée dans le domaine du « spectacle ». Mais, cette fois, les formes géométriques évoluent dans un espace irréel, en totale apesanteur.. Elles mettent en œuvre des objets plastiques animés dans un monde virtuel en 3 dimensions. L’espace temps est ainsi introduit dans les arts plastiques traditionnellement limités à deux dimensions avec les arts muraux et à trois dimensions avec la sculpture. La dimension temporelle est accentuée par la mise en oeuvre de créations musicales s
pécifiques voire avec l’intervention de la voix humaine. J’ai donné le nom de « spaciographies » à ces créations numériques. L’art cinétique des années 60 préfigurait cette évolution.

Je pense qu’elles s’inscrivent dans l’évolution normale des arts plastiques dits « rétiniens », ceux qui ont vu leurs premières créations avec les hommes préhistoriques et les cavernes peintes. Les moyens changent mais la recherche est toujours la même : comment représenter le non exprimable ?

Bientôt il sera possible d’acquérir des écrans plats de bonne dimension sur lesquels il sera possible de projeter ce type de création. Ils seront fixés sur un mur , comme une peinture. Nous aurons un bibliothèque de CD-rom ou de DVD d’art numérique. Nous pourrons choisir telle ou telle « spaciographie » pour la projeter sur notre tableau animé. Bien sûr, nous ne retrouverons pas la sensibilité de la touche, la transparence des couleurs, et surtout le mystère inexplicable des créations pour lesquelles l’intervention humaine a été et est prépondérante. L’art numérique est une moyen nouveau, il faut trouver ce que l’on peut en tirer.