Entre lyrisme et géométrie, l'art abstrait oppose, dès le départ, l'expression par le geste au culte de la forme, le jaillissement des couleurs et l'expressivité de la touche aux aplats de couleur généralement réalisés le plus uniformément possible dans une gamme limitée de coloris.
Dans l'art du XX° siècle le mouvement constructiviste occupe une place de tout premier plan. L'abstraction en peinture et en sculpture est née au début du siècle à Munich avec Kandinsky, à Moscou avec Larionov, à Amsterdam avec Mondrian et van Doesburg, à Paris avec Delaunay, Picabia, Kupka... (pour ne rappeler que quelques grands créateurs).
Depuis son apparition, l'abstraction a exploré de nombreuses voies, mais une des plus constantes, est celle que l'on peut qualifier de "mouvance construite internationale". Cette expression artistique "géométrique" a toujours mis en œuvre des organisations de surfaces, de volumes, de lignes et de courbes, libérées de toute évocation et de toute anecdote. La forme régulée, "géométrique", jointe à l'économie des moyens et à la simplicité des structures, peut atteindre, dans sa pureté, une profonde spiritualité. Mais cette même forme, associée aux multiples combinaisons possibles et à l'infini des couleurs, est capable, à l'opposé, d'engendrer dynamisme, vitalité, joie. Ainsi, avec les mêmes moyens élémentaires - ligne, cercle, carré, triangle - un large éventail des facettes de l'être humain peut être exprimé.
Au cours de son histoire cette "mouvance construite internationale" a porté différents noms:
- Le Constructivisme est né en Russie dans l'effervescence qui suivit la Révolution de 1917. Dirigé contre tout esthétisme, il recherchait avant tout des objectifs sociaux, utilitaires et matérialistes (Gabo, Pevsner, Archipenko, Rodchenko, Larionov, Gontcharova, Tatlin...).
- Le Suprématisme, créé par l'artiste russe Malevitch, en 1916, affirmait la suprématie des formes élémentaires simples telles que le carré, le rectangle, le cercle, le triangle, la croix et assurait que la réalité de l'art dépendait entièrement des effets de la couleur sur les sens.
- Le Néo-plasticisme est fondé en 1917 à Amsterdam par Mondrian, van Doesburg et Bart van Leck. Il s'agissait de découvrir les "moyens purs" par lesquels serait révélée l'harmonie universelle, soit une abstraction géométrique régie par un emploi très strict des seules lignes horizontales et verticales, des trois couleurs primaires pures, bleu, jaune et rouge, associées avec le blanc et le noir.
- Cercle et Carré, mouvement fondé en 1929 par Michel Seuphor et Torrès-Garcia organisa à Paris, en 1930, la première grande exposition consacrée à l'art abstrait, essentiellement géométrique.
- Le mouvement MADI, lancé à Buesnos-Aires en 1946 par Arden Quin, proclamait la possibilité de peindre des structures polygonales planes, concaves ou convexes, des plans articulés, amovibles, animés de mouvements linéaires, giratoires ou de translation, de sculpter des solides avec des espaces vides et mouvements d'articulation... MADI réalisa le passage entre l'art construit des années vingt-trente et l'art minimal, le "shaped canvas" et le "hard hedge" américains des années soixante-dix.
- L'Art cinétique réunit, à partir des années 50, une nouvelle génération d'artistes qui cherchaient, en reprenant les données de l'abstraction géométrique, à introduire les notions de mouvements et de temps (Vasarely, Tomasello, Soto, Agam, Morellet, Cruz-Diez...).
- L'Art minimal apparaît aux USA en 1965 (Dan Flavin, Donald Judd, Sol Lewitt, Carl André, Frank Stella...). Morellet, en France, a précédé ce mouvement. Les formes simplifiées à l'extrême, ne portent plus de traces de l'intervention de l'artiste et nient ainsi toute subjectivité.
Cette description sommaire ne recouvre qu'une partie des tendances et expressions qui de part le monde se sont référées et continuent à se référer à l'art géométrique ou art construit, terme de plus en plus utilisé pour désigner cette tendance des arts plastiques.
