Convergence

Convergence : Une exigence soutenue

Elle, c’est Jeannette, lui, Jean. Branchet de leur nom. Un goût commun les a rapprochés. Elle découvre l’art à Paris à travers le Louvre et les musées. Lui visite de midi à 14h les galeries de la rue de Seine où il travaille, l’heure des repas se trouve souvent sacrifiée. Sa première formation est la musique, il a fait sept ans de guitare classique. Mais il dit avoir aimé surtout la peinture. Ce qu’ils concrétiseront tous les deux, c’est cette passion partagée. Pendant ving-cinq années, ils ont mené une aventure artistique qui les

distingue. Au début en solitaire puis peu à peu créant des liens avec d’autres acteurs de la ville. En 1975, trois ans après la fermeture de la galerie Argos qui se trouvait être un pôle d’excellence en matière d’art contemporain français et international, s’ouvrait la galerie Convergence, rue Jaurès. D’emblée ils comblent un manque, et même quand le public vient peu nombreux, ils persévèrent. Leur indépendance mais aussi leur passion les entraînent à exposer des artistes qui vivent dans la région mais également à montrer des artistes internationaux. A aucun moment succursale d’une quelconque galerie parisienne, la galerie fait le choix de l’ouverture aux courants de l’époque, préférant exposer ceux avec lesquels il y a dialogue plutôt que répondre aux diktats des goûts du jour. En effet, l’amitié semble avoir été leur credo.

D’aucuns se souviennent des visites effectuées en dehors des vernissages, nous entrions, seuls absolument, dans un terrain criblé d’inconnu. Chaque exposition était un corps à apprivoiser, en tout cas un vocabulaire qu’il allait falloir sinon apprécier, du moins tenter d’acquérir. Et chaque fois cette envie d’en savoir plus.


Très rapidement, ils exposent des artistes qu’ils aiment, comme Hartung, Soulages, Pignon, Hélion, Matta. Mais aussi Ferrand, Bazaine, Klasen, Seuphor, Villeglé, Morellet, Debré, Touzenis ou encore Le Bras, Thibaud Guilet, Rautenstrauch, Lallement, Bigot, Guitet, Clareboudt…

Peu soucieux du marché de l’art, et des tendances qu’il implique, résistant au goût d’un public nantais qui leur conseille de changer, ils optent pour un certain éclectisme qui se révèle une force malgré les reproches. C’est pourquoi les expressionnistes côtoieront les géométriques, les abstraits les figuratifs, un art « brut » avec un autre plus sensible au décoratif, le cinétique avec les minimalistes. La sculpture occupe également une place dans cet espace modeste certes mais accueillant. Se présentant comme des « rétiniens », ils sont restés fidèles à leurs artistes. Les éditions Convergence sont une occasion d’éditer les œuvres de Michel Seuphor, mais aussi un ensemble de textes relatifs à l’art comme les notes de Ferrand.

Sans coup d’éclat mais profondément, leur choix et le ton pris pendant ces années là ont marqué. Et lorsque la galerie en 2000 ferme, elle se déplace avec la création d’un site internet. Parallèlement, Jean Branchet a toujours peint et c’est naturellement qu’il accepte de rendre visible cet engagement qu’il n’a cessé d’avoir pris. L’exposant est désormais exposé, au travers de manifestations internationales, rejoignant les tendances de l’art construit. Depuis 1992, il expose au Salon des Réalités Nouvelles et aux manifestations du groupe MADI. Ses premières expositions personnelles datent de 1995, 1996. « Les tableaux, sculptures, reliefs, nous a-t-il confié, sont issus de petits dessins tracés rapidement, sous l’impulsion du moment, sans idées préalables. » Réalisés sur de petits carnets, « pendant mes voyages, dans l’avion, le train, à l’hôtel », ces dessins doivent « mûrir ». Indissociables d’un paysage ou d’un mot, d’une impression rencontrée à l’écoute d’un son, d’un souvenir, d’une voix, les œuvres s’élaborent avec vivacité. Avec les triangles, cercles et carrés, il ose des quadrilles insolents. Avec la couleur pure il inonde, rythme, reconstruit des architectures inédites, il invente un monde. Et si la peinture et la sculpture occupent une grande place, la musique devait également refaire son apparition. Ainsi l’ordinateur utilisé pour ses potentialités plastiques accouche-t-il aujourd’hui d’un ensemble de propositions sonores, prolongeant les recherches graphiques et colorées. Ce qu’il nomme des « ordigraphies » ou « spaciographies » offrent ainsi des correspondances avec ses déploiements colorés. « Juste retour des choses », comme l’on dit, chanté dans un vent de liberté toujours retrouvée.

Pierre Giquel - Revue 303 (07/2007) " Né à Nantes comme tout le monde ".